Nouvelle vague de privatisations ou cessions d’un État stratège ? Une affaire de symboles


Antoine Denry / Managing Director Citigate Dewe Rogerson

L’entourage du ministre de l’Économie et des Finances l’a annoncé le 5 juillet dernier, il y aura des « cessions de participations » dès la rentrée. L’objectif est clair : financer un fonds pour l’innovation dont l’enveloppe devrait atteindre les 10 milliards d’euros.

Avec un portefeuille d’actifs estimé à plus de 100 milliards d’euros, l’État examine d’ores et déjà les différentes opportunités qui s’offrent à lui. Si la Cour des comptes soulignait en janvier une « situation financière dégradée » pour le portefeuille de l’État, le contexte boursier est redevenu beaucoup plus favorable depuis le début de l’année et la plupart des participations cotées caracolent à des niveaux record, tels Air France ou ADP. ADP qui est justement cité au premier rang des éventuelles cessions, devant la FDJ ou La Poste, mais nécessite néanmoins l’intervention du législateur.

Le désengagement de Renault ou PSA poserait, lui, des questions d’ordre industriel, sans compter les aspects sociaux et politiques liés à ces entreprises emblématiques. Pour assurer le succès de ces opérations, Bercy devra concilier des enjeux très différents, et prendre en main la communication autour de ces sujets. Voici quelques premières pistes de réflexion.

Choisir la bonne sémantique

En politique encore plus qu’ailleurs tout est affaire de symboles, et les éléments de langage sont en cours d’élaboration : exit la « nouvelle vague de privatisations », bienvenue aux « arbitrages au sein des participations de l’État ». Les prémices de cette opération majeure de communication sont posées. Désormais, l’Etat doit montrer qu’il cherche à optimiser son portefeuille, non pas uniquement pour réduire sa dette, mais dans l’optique de financer l’innovation et des projets d’avenir. En un mot, contribuer à la réalisation de la « nation start-up » qu’Emmanuel Macron appelle de ses voeux.

Expliquer le bon usage des fonds récoltés

Comme pour toute opération financière, convaincre du bon usage des fonds récoltés est crucial. La révolution technologique est donc en marche ! Pour le nouveau gouvernement, qui aspire à une transformation radicale de l’économie française, intelligence artificielle et Big Data sont autant de leviers d’innovation favorisant la réindustrialisation et les créations d’emplois. Quoi de mieux pour contrer les arguments de ceux qui dénoncent le retrait de l’État et de sa capacité d’action ?

Promouvoir un État visionnaire plutôt qu’actionnaire

Le rôle de la puissance publique peut s’avérer nécessaire dans certains secteurs stratégiques, et justifie de ce fait un contrôle capitalistique (Thalès, Safran ou encore Areva). A contrario, l’externalisation de certaines missions de service public auprès d’entreprises privées peut ouvrir la voie à de nouveaux investissements, permettre une plus grande efficacité et surtout une meilleure satisfaction des usagers.

Dans ce contexte, l’État doit parvenir à imposer une nouvelle doctrine : celle d’un État qui n’a plus besoin de garder le contrôle pour exercer son influence. Apporter son soutien à un secteur économique, réguler et réglementer est souvent bien plus efficace et moteur d’innovation qu’une présence capitalistique plus ou moins passive. Le développement récent d’entreprises dans le secteur des énergies renouvelables ou de la high-tech en est une bonne illustration.

Ne pas ignorer le petit porteur

Enfin, l’État devra impérativement prendre en compte l’évolution de l’actionnariat individuel dans le but d’évaluer l’appétence du grand public pour ce type d’opération. Dans le passé les ouvertures de capital d’entreprises publiques comme EDF, Gaz de France ou France Telecom ont attiré, avec le soutien de grandes campagnes marketing et publicitaires, un large actionnariat populaire. Cet appétit est-il toujours là ? Quelle que soit la réponse, il faudra que l’État donne la possibilité au public de participer, sous peine d’être accusé de vendre le patrimoine national aux seuls investisseurs institutionnels, notamment étrangers.

Parce qu’il s’agit autant d’une affaire de symboles que d’une affaire économique et financière, la communication jouera un rôle essentiel dans les opérations de cessions ou de privatisations. Leur succès dépendra in fine de la façon dont elles seront vécues tant par les investisseurs que par les citoyens. À l’État d’assumer ses responsabilités et de communiquer de façon proactive !

Antoine Denry / Managing Director Citigate Dewe Rogerson


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